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Les servitudes non apparentes de l'article 1638 du code civil : explication de texte

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 6 juillet 2023 n° 22-13179, Publié


Le vendeur d'immeuble doit à l'acquéreur la garantie d'éviction.


Cette garantie a deux objets :


- D'une part la possession paisible de la chose vendue ;

- D'autre part les vices cachés ou rédhibitoires (article 1625 du code civil).


À ce second titre, l'article 1638 du code civil, inchangé depuis 1804, dispose que si le bien vendu se trouve grevé de servitudes non apparentes dont le vendeur n'a pas fait mention, l'acheteur peut, si ces servitudes sont « de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, (..) demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité ».


De plus, le vendeur d'un fonds, qui affirme faussement dans l'acte de vente qu'il n'a constitué sur ce fonds aucune servitude et qu'il n'en existe pas à sa connaissance, commet une faute contractuelle dont il doit réparation (Civ, 3ème, 21 mars 2001, n° 99-10913 Publié).


La règle vaut pour toutes les servitudes, quelle que soit la manière dont elles ont été créées, pourvu qu'elles ne soient pas apparentes ou qu'il n'y en ait aucun signe apparent (Civ, 3ème, 5 février 1974, n° 72-12100 Publié), mais sauf les servitudes naturelles ou légales à moins qu'elles soient exceptionnelles (Civ, 3ème, 26 avril 1978, n° 77-10890, Publié).


Les servitudes non apparentes, selon la définition de l'article 689 du code civil, sont celles « qui n'ont pas de signe extérieur de leur existence, comme, par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu'à une hauteur déterminée ».


Cette garantie de l'article 1638 du code civil ressemble à la garantie des vices cachés de l'article 1641, mais son objet est distinct et les deux garanties légales, selon une jurisprudence constante, s'excluent l'une l'autre.

Une servitude non apparente, selon la Cour de cassation, n'est pas un vice caché, les conditions d'engagement de la responsabilité du vendeur diffèrent, quand bien même les modalités de réparations sont assez proches, avec l'option ouverte entre l'action en résiliation de la vente et celle en diminution du prix (Civ, 3ème, 27 février 2013, n° 11-28783 Publié). En principe, si une servitude non apparente et ignorée de l'acquéreur réduit ou complique la jouissance de l'immeuble, elle ne le rend pas impropre à l'usage auquel on le destine.


L'arrêt commenté se rapporte aux conditions de la réparation du préjudice invoqué par l'acquéreur.


En l'espèce, les acquéreurs d'une maison découvrent dans le sous-sol de la parcelle, des canalisations faisant partie du réseau public des eaux usées. Les acquéreurs, qui n'avaient pas été informés, lors de la vente, de cette servitude non apparente, se trouvent empêchés de réaliser des travaux d'extension. Ils assignent les vendeurs sur le fondement de l'article 1638 du code civil, et demandent, non pas la résiliation de la vente mais l'indemnisation de leurs préjudices. Ils sont déboutés. La cour d'appel retient que l'acquisition du fonds n'était pas conditionnée par la possibilité de réaliser une extension du bâtiment et qu'en conséquence, l'existence de la servitude occulte ne revêt pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention soit de la résiliation du contrat soit d'une indemnité.


Autrement dit, selon la lecture que fait la cour d'appel de l'article 1638, l'importance de la servitude cachée telle que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait eu connaissance, est en facteur commun dans le texte, et doit être établie tant pour obtenir la résolution de la vente qu'une indemnisation.


A l'appui de leur pourvoi, les acquéreurs font au contraire valoir que l'acquéreur d'un fonds grevé d'une charge occulte a droit à une indemnité équivalente à la diminution de la valeur du terrain qui en résulte, quand bien même il n'établit pas qu'il n'aurait pas acquis le bien s'il en avait eu connaissance. Pour obtenir une indemnisation, il doit seulement, ce qui est beaucoup plus facile, rapporter la preuve du préjudice que lui cause l'existence de cette servitude.


C'est bien cette lecture du texte qu'entend faire prévaloir la Cour de cassation, qui casse l'arrêt de la cour d'appel pour violation de l'article 1638 du code civil et énonce, de manière très didactique que « l'importance de la servitude occulte exigée par l'article 1638 précité ne conditionne que la résiliation de la vente, et non l'indemnisation du préjudice pouvant résulter pour l'acquéreur de toute servitude non apparente non déclarée lors de la vente ». En l'espèce, la cour d'appel n'était saisie que d'une demande d'indemnisation du préjudice résultant de la servitude dissimulée.


La Cour de cassation n'avait jamais eu l'occasion de cette explication de texte de l'article 1638, qui ne paraît pas critiquable et que permet la rédaction plutôt désuète du texte de 1804.

Ainsi, la garantie de l'article 1638 du code civil paraît plus sévère pour le vendeur que celle des vices cachés.


Ce vendeur ne peut se retrancher derrière son ignorance et, s'il n'est pas un professionnel, une clause contractuelle de non garantie. Il ne peut, le cas échéant, mettre à profit la prescription biennale de l'action résultant des vices cachés.


Découlant expressément de la garantie en cas d'éviction, la garantie de l'article 1638 oblige seulement l'acquéreur à rapporter la preuve de l'existence d'une servitude non mentionnée lors de la vente et à établir l'importance de son préjudice.


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