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Les délais de prescription des actions en matière de copropriété



On sait que la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et la jurisprudence, pour tenter de garantir certains équilibres, entre les droits de copropriétaires, entre la nécessité d'assurer sécurité et stabilité juridiques à la copropriété et en même temps le refus de laisser se pérenniser des situations acquises de manière illicite, définissent plusieurs délais de prescription des action, dérogatoires du droit commun.

 

Le principal de ces délais est celui édicté à l'article 42 de la loi sur la copropriété, tel que modifié par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite loi ELAN). Dans son premier alinéa, cet article dispose maintenant que les actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat sont soumises au délai de prescription de l'article 2224 du code civil, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d'exercer l'action.


Auparavant, ce délai de prescription des actions en matière de copropriété, que la loi du 17 juin 2008 avait en son temps négligé de modifier, était de dix ans.


Comme à chaque fois qu'un délai de prescription est modifié, se pose la question de l'application du nouveau délai aux situations existantes. La loi ELAN n'en dit rien, mais il convient donc de se référer aux principes généraux.


Dans le cas le plus courant de l'action en recouvrement par le syndicat d'une créance sur un copropriétaire, il va de soi que si la créance est exigible après le 25 novembre 2018, date d'entrée en vigueur de la loi ELAN, le nouveau délai de prescription s'applique.


Si la créance est antérieure au 25 novembre 2018 et que le délai de prescription décennal s'achève moins de cinq ans après cette date, le délai originel n'est pas modifié. En revanche, si ce délai décennal doit s'achever plus de cinq ans après, c'est le délai de la prescription quinquennale à compte de l'entrée en vigueur de la loi ELAN qui doit être observé. 

 

Aux termes de l'article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, « les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d'un mois à compter de la tenue de l'assemblée générale ».

Ce délai n'a pas été modifié par la loi ELAN.

 

L'article 12 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que les actions en révision de la répartition des charges, en cas d'inégalité, au regard des prescriptions de l'article 10, de plus d'un quart dans l'une ou l'autre des catégories de charges, se prescrivent par cinq ans à compter de la publication du règlement de copropriété au fichier immobilier.


Dans le cas d'une première mutation à titre onéreux postérieure à cette publication, le nouveau propriétaire peut exercer cette action dans le délai de deux ans.

 

On sait que l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 prescrit que toute promesse de vente ou d'achat ou tout acte de vente d'un lot ou d'une fraction de lot d'un immeuble en copropriété (sauf les petits lots accessoires) mentionne la superficie Carrez de la partie privative de ce lot. À défaut, le bénéficiaire de la promesse ou l'acquéreur peut obtenir la nullité de l'acte. Il doit agir dans le délai d'un mois à compter de l'acte authentique constatant la vente.


Le même article 46 ouvre à l’acquéreur le droit d’obtenir une diminution du prix proportionnelle si la superficie effective est inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans l’acte.


En cohérence avec le délai de l'article 1622 du code civil relatif aux actions pour défaut de contenance en matière de vente, cette action doit être engagée dans le délai d’un an à compter de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente. Ce délai est un délai non de prescription mais de forclusion, de ce fait non susceptible de suspension ou d'interruption (Civ, 3ème, 2 juin 2016 n° 15-16967). 


Les actions visant à faire déclarer non écrites, en application de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965, les clauses du règlement de copropriété contraires aux dispositions légales et réglementaires d'ordre public, et qui peuvent être exercées par tout copropriétaire (Civ, 3ème, 16 décembre 2008, n°08-10480), ne sont pas soumises à la prescription quinquennale mais sont imprescriptibles (Civ, 3ème, 27 septembre 2000, n° 98-22792 ; 7 mai 2008, n°17-13409 ; 26 janvier 2016, n° 14-26921).

 

En exécution des articles 14 et 15 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires ou les copropriétaires peuvent agir en justice pour assurer la défense de l’intégrité matérielle de l’immeuble, mettre fin aux violations du règlement de copropriété, faire cesser les empiétements sur les parties communes et obtenir la restitution de ces parties communes qu'un copropriétaire se serait approprié.


Les actions visant à faire reconnaître ou à faire protéger un droit de propriété sont des actions réelles qui, aux termes de l'article 2227 du code civil, se prescrivent par trente ans

 

Il n'est pas toujours simple de distinguer action personnelle, prescrite en cinq ans et action réelle, prescrite donc par trente ans. Une abondante jurisprudence a tant bien que mal précisé cette distinction en matière de copropriété. Si l'action vise à mettre fin à une appropriation des parties communes réalisée dans des conditions qui seraient susceptibles de conférer la propriété par l'écoulement du délai de l'usucapion, elle a le caractère réel (Civ, 3ème, 12 janvier 2010 n° 09-11514). Le critère serait celui de l'appropriation des parties communes. On s'accorde notamment sur le fait que toute construction litigieuse réalisée par un copropriétaire sur une partie commune donne lieu à une action réelle qui se prescrit par trente ans.


Tandis que les actions personnelles impliquent les droits et obligations du syndicat et des copropriétaires, tels qu’ils résultent du statut de la copropriété et du règlement de copropriété propre à l'immeuble. Seraient donc personnelles les actions tendant à la remise en état des parties communes affectées par les travaux réalisés sans autorisation de l’assemblée générale par un copropriétaire.


Si la distinction entre action réelle et action personnelle se conçoit bien intellectuellement, sa mise en œuvre

pratique peut être difficile.


En effet, selon la Cour de cassation, si les travaux à l'occasion desquels a été réalisé un empiètement, autrement dit une appropriation d'une partie commune, ont été autorisés par l'assemblée générale, l'action est personnelle, soumise à la prescription quinquennale en ce qu'elle vise d'abord à assurer le respect d'une décision d'assemblée générale (Civ, 3ème, 19 juin 2013 n° 12-11791 : “... qu'ayant à bon droit retenu que l'action en suppression d'un empiétement sur les parties communes, intervenu à l'occasion de travaux autorisés par une assemblée générale était une action personnelle soumise à la prescription décennale (aujourd'hui quinquennale), la cour d'appel, qui a relevé, par motifs propres et adoptés, que, lors de l'assemblée générale du 12 mars 1995, M. et Mme X... avaient obtenu l'autorisation de mener des travaux sur leur lot et que le litige actuel tendait à remettre en cause la conformité des travaux effectivement réalisés par rapport à ceux autorisés, en a justement déduit que l'action en démolition, introduite plus de dix ans à compter du jour où les non-conformités alléguées avaient été achevées et connues du syndicat comme de Mme Y..., était prescrite”).


Ainsi, si l'appropriation contestée est intervenue à l'occasion de l'exécution d'une décision de l'assemblée générale, l'action a le caractère personnel en ce qu'elle vise en premier lieu à faire respecter la décision du syndicat.


Sont encore personnelles les actions tendant à la mise en conformité de travaux réalisés dans les parties communes avec l’autorisation donnée par l’assemblée générale (Civ, 3ème, 25 mai 2005 n° 04-10345 ; 13 novembre 2013, n°12-24052).


Si les travaux contestés, cette fois non autorisés, affectent les parties communes mais sans réaliser un véritable empiètement dans la mesure où les autres copropriétaires ne sont pas privés du droit de jouir de ces parties communes, l'action a le caractère personnel. C'est ce critère qui est le plus incertain, donnant lieu à une véritable casuistique.


Par exemple, caractérise une action personnelle, et non réelle, la demande de suppression d’une gaine de ventilation implantée par un copropriétaire sur toute la hauteur de la façade arrière de l’immeuble (Civ, 3ème, 15 juin 1988 n° 86-19030).


De même, sont des actions personnelles la demande en démolition d’un appentis prenant appui sur un mur commun (Civ, 3ème, 17 juillet 1991 n° 89-12309), ou la demande de suppression de pompes à chaleur et d’un système de climatisation installés sur la toiture (Civ, 3ème, 22 octobre 2008 n° 07-17780 : “... ayant constaté que l'installation par la SCI d'un système de pompes à chaleur et de climatisation sur la toiture ne pouvait s'analyser comme une véritable appropriation des parties communes puisqu'elle ne donnait pas un caractère privatif à cette partie commune que constituait le toit”, ce dont il devait se déduire que le syndicat exerçait une action personnelle).


En revanche, si les travaux ou d’installations dont la suppression est demandée n'ont fait l'objet d'aucune autorisation et caractérisent non seulement une violation du règlement de copropriété ou du statut de la copropriété, mais encore une véritable appropriation de parties communes qui prive les autres copropriétaires de leur droit de jouissance de ces mêmes parties communes, l'action a le caractère réel et se prescrit par trente ans.


Ainsi, s'agissant de canalisations d'eau empiétant sur les parties privatives d'un autre copropriétaire, « l'action tendant à la démolition d'un équipement empiétant sur une partie privative est une action réelle » (Civ, 3ème, 20 novembre 2002 n° 00-17539).


Ainsi encore, « l'action tendant à faire cesser une appropriation de la terrasse par un copropriétaire bénéficiant d'un simple droit de jouissance est une action réelle soumise à la prescription trentenaire » (Civ, 3ème, 16 mars 2005 n° 03-14771).


Caractérise encore une action réelle, celle consécutive à « la création d'un escalier ayant une emprise sur deux niveaux de 1,75 mètre carré sur la courette intérieure et l'extension des bureaux de la société Arthème Y... sur une certaine superficie de la cour commune, alors, d'une part, que la construction de l'escalier en surplomb de la courette a pour effet de priver l'ensemble des copropriétaires de la jouissance d'une fraction de parties communes (…) et, d'autre part, que même réservée à la jouissance privative d'un copropriétaire, une partie commune ne peut faire l'objet d'aucune appropriation » (Civ, 3ème, 10 janvier 2001 n° 99-11607).


Ou encore, selon la Cour de cassation, « l'installation par la société Pelib d'un " digiclé " à la porte d'un des bâtiments de la copropriété, dont elle possédait les parties privatives, avait pour effet, le code de cet appareil n'étant connu que des personnes relevant de cette société, d'interdire aux autres copropriétaires de l'immeuble ou au syndic d'accéder aux parties communes de ce bâtiment et que la société Pelib, propriétaire de lots lui donnant droit à la jouissance privative de deux courettes, avait aménagé ces dernières en locaux industriels entièrement clos et couverts » et l'action visant à faire cesser ces empiètements s'analyse en une action réelle (Civ, 3ème, 14 février 1996 n° 93-17667).


Il en va de même d'une demande tendant à ce qu’il soit mis fin à l’occupation d’un bâtiment commun par un copropriétaire (Civ, 3ème, 3 mars 2004 n° 02-17390), comme d'une demande « de remise en état de terrasses communes sur lesquelles un copropriétaire a édifié des skydomes, des cheminées et un circuit d’arrosage » (Civ, 3ème, 13 novembre 2012 n° 11-24589), ou de l’action en suppression d’installations d’extractions de fumées « constituant un accaparement des parties communes » (Civ, 3ème, 4 novembre 2009 n°06-21647), ou de « l'action tendant à faire cesser l'emprise au sol résultant des travaux de construction réalisés sur la courette dont le sol était aux termes du règlement de copropriété une partie commune » (Civ, 3ème, 18 décembre 2001 n° 00-17871) ou enfin de l'action en suppression du percement d'un mur de refend pour transformer une fenêtre en porte-fenêtre donnant accès à une terrasse, partie commune (Civ, 3ème, 4 avril 2012 n° 11-11139). 

 

Pour définir de la manière la plus opérationnelle possible ce critère de distinction entre action personnelle et action réelle en matière de copropriété, il convient de retenir que :


  • L'action réelle, soumise à la prescription trentenaire est une exception jurisprudentielle au droit commun de la copropriété et doit donc être considérée de manière restrictive ;


  • L'action a toujours le caractère personnel si les travaux en cause ont été autorisés par l'assemblée générale de la copropriété ;


  • Pour que l'action ait le caractère réel, la situation contestée doit être de nature, s'il n'y est pas mis un terme, à conférer par usucapion un droit réel à un copropriétaire. Cette référence à l'usucapion paraît très éclairante, mais la Cour de cassation l'a très peu employée et, sauf erreur, jamais dans un arrêt publié. 


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