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Les actes de cautionnement simple ou solidaire en matière de bail commercial ou professionnel

Le législateur veille à ce que la caution, personne physique, du preneur soit clairement et précisément informée de la nature et la portée de son engagement au bénéfice du bailleur, surtout professionnel. Cette caution expose, en effet, son patrimoine personnel. Le législateur a entendu assurer cette protection par des règles de forme et d'autres de fond.



L'ordonnance n° 2021-1192 portant réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021, applicable à compter du 1er janvier 2022, a révisé la matière du cautionnement et réorganisé les textes pour plus de lisibilité, en les rassemblant tous dans le code civil. Elle a entendu alléger le formalisme de l'acte de caution, sans renoncer à vérifier que la caution s'est engagée de manière éclairée.


Cependant, cette ordonnance du 15 septembre 2021 n'est pas applicable aux cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022, lesquels demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public (article 37, II de cette ordonnance).


Les actes de cautionnement antérieurs au 1er janvier 2022


Pour ces actes antérieurs au 1er janvier 2022, les textes de référence sont les suivants :


Dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, et tel qu'applicable jusqu'au 1er janvier 2022, l'article 2292 du code civil énonçait : « Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ».


L'article L341-2 code de la consommation, devenu dans les mêmes termes l'article L331-1 du même code par l'effet de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, puis abrogé au 1er janvier 2022 par l'ordonnance du 15 septembre 2021, prescrivait pour les actes de caution dite simple : « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même ».


Pour les actes de caution solidaire l'article L341-3 code de la consommation, devenu dans les mêmes termes l'article L331-2 du même code en 2016, puis abrogé au 1er janvier 2022, énonçait : « Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X... ».


Rappelons que dans le cas de la caution dite simple, le créancier ne peut se retourner contre le garant que si le débiteur est dans l'incapacité de payer. C'est ce qu'il est d'usage de désigner comme le « bénéfice de discussion ». Dans le cas d'une dette locative, le bailleur doit d'abord agir contre le locataire, en délivrant un commandement de payer, et ce qu'est que si cette procédure n'aboutit pas, que le bailleur pourra solliciter le garant.


Dans le cas d'une pluralité de cautions simples, chaque garant bénéficie du « principe de division », c'est à dire qu'aucun d'entre eux ne peut être tenu au paiement total de la dette, mais seulement au paiement des sommes retenues dans l'acte de cautionnement.


Dans la pratique des baux, il est fait généralement recours à la caution solidaire qui permet au créancier d'agir directement contre le garant qui aura renoncé dans l'acte de cautionnement au « bénéfice de discussion ». Le « principe de division » ne s'applique pas dans le cas où plusieurs garants se sont engagés solidairement avec le débiteur.


Il faut encore souligner que les prescriptions formelles du code de la consommation, abrogées mais encore applicables aux cautionnements conclus avant le 1er janvier, ne s'appliquaient qu'aux actes sous seing privé et non aux actes notariés, d'une part, et d'autre part, que seules les cautions consenties à un professionnel se trouvaient concernées.


Un créancier professionnel est, selon l'article liminaire du code de la consommation : « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ».


La jurisprudence a précisé cette notion de créancier professionnel : « ... qu'après avoir exactement retenu qu'au sens des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale, la cour d'appel … » (Civ, 1ère, 9 juillet 2009, n° 08-15910 Publié ; ou encore : Com, 27 septembre 2017, n° 15-24895 Publié).


Une jurisprudence abondante a toujours fait une interprétation rigoureuse des dispositions d'ordre public visant à assurer le consentement éclairé des personnes à l'acte de cautionnement et prononcé la nullité des actes de cautionnement ne respectant pas les prescriptions légales de forme (Com, 28 avril 2009, n° 08-11616, Publié ; Civ, 1ère, 25 juin 2009, n° 07-21506 Publié ; Com, 5 avril 2011, n° 09-14358, Publié ; Civ, 1ère, 28 novembre 2012, n° 10-28372 Publié ; Com, 17 septembre 2013, n° 12-13577 Publié ; Civ, 1ère, 9 juillet 2015, n° 14-24287 Publié). Ne sont tolérées, dans les mentions manuscrites de l'acte, que d'infimes erreurs ou variations au regard de la prescription légale, et à la condition que le sens et la portée du texte n'en soient pas modifiés.


Cette jurisprudence demeure donc applicable aux actes de cautionnement antérieurs au 1er janvier 2022 (notamment Com, 2 juin 2021, n° 20-10690, Publié ; Com, 25 janvier 2023, n° 21-17589 Publié).


De manière peut-être anecdotique, il a été jugé qu'en application du principe selon lequel la fraude corrompt tout, la caution qui, dans le but d'échapper à son engagement, fait rédiger par un tiers la mention manuscrite prévue par la loi, en dépit de l'indication claire dans l'acte selon laquelle cette mention doit précéder sa signature, détourne sciemment le formalisme protecteur et commet une faute intentionnelle l'empêchant d'invoquer la nullité de son engagement (Com, 5 mai 2021, n° 19-21468 Publié).


Par ailleurs, sur la portée de l'engagement pris par le garant, le législateur a posé un principe de proportionnalité entre le montant de cet engagement et les ressources de ce garant.


L'article L341-4 code de la consommation, devenu l'article L332-1 du même code, abrogé par l'ordonnance du 15 septembre 2021 mais encore applicable aux actes de cautionnement antérieurs au 1er janvier 2022, disposait que : « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».


Dès lors qu'est établie une disproportion manifeste entre les ressources et la portée de l'engagement à la date de cet engagement, et à moins que le garant ne soit, depuis, revenu à meilleure fortune, l'acte de cautionnement se trouve privé d'effet (Civ, 1ère, 26 septembre 2018, n° 17-17903 Publié). Il en va ainsi, non seulement à l'égard du créancier mais aussi à l'égard des cofidéjusseurs, c'est à dire des autres cautions qui se sont engagées à garantir la même dette (Chambre Mixte, 27 février 2015, n° 13-13709 Publié).


La disproportion manifeste du cautionnement au regard des biens et revenus de la caution au jour de l'engagement, suppose que la caution soit, à cette date, dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus (Civ, 1ère, 5 janvier 2022, n° 20-17325, Publié ; Com, 28 février 2018, n° 16-24841 Publié).


Le moyen opposé au créancier de l’impossibilité de se prévaloir d’un cautionnement disproportionné constitue une défense au fond, au sens de l'article 71 du code de procédure civile, qui échappe donc à la prescription extinctive (Com, 31 janv. 2018, n° 16-24092, publié).


La caution, qui entend se prévaloir de la disproportion de son engagement au regard de ses revenus, de son patrimoine et de son endettement global, a la charge d'en rapporter la preuve (Com, 6 juillet 2022, n° 20-17355, Publié ; Com, 21 octobre 2020, n° 18-25205, Publié ; Com, 17 octobre 2018, n° 17-21857, Publié) et il n'incombe pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution au moment de son engagement (Com, 13 septembre 2017, n° 15-20294, Publié). La référence à l'endettement global inclut d'éventuels actes de cautionnement antérieurs (Com, 22 mai 2013, n° 11-24812, Publié). La situation de fortune de la caution est appréciée souverainement par les juges du fond (Civ, 1ère, 4 mai 2012, n° 11-11461, Publié).


En revanche, le créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, a la charge d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine actuel de celle-ci lui permet de faire face à son obligation (Com, 1er avril 2014, n° 13-11313, Publié ; Civ, 1ère, 10 septembre 2014, n° 12-28977 Publié). Toutefois, dès lors que l'engagement de la caution n'était pas disproportionné au moment de l'acte, un revers de fortune survenu depuis ne la libère pas de son obligation (Com, 21 octobre 2020, n° 18-25205, Publié).


Enfin, a été dégagé par la jurisprudence, pour compléter cette protection légale, un devoir de mise en garde de la caution, du moins de celle qui ne serait pas avertie, par le créancier professionnel (notamment Com, 15 novembre 2017, n° 16-16790 Publié ; Com, 2 octobre 2012, n° 11-28331 Publié ; 27 mars 2012, n° 10-20077 Publié). Le manquement du créancier à son devoir de mise en garde crée un préjudice caractérisé par la perte de chance de la caution de ne pas consentir au cautionnement. L'action judiciaire de la caution pour manquement au devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement (Civ, 1ère, 5 janvier 2022, n° 20-17325 Publié).


Le caractère averti d'une caution tient, selon une jurisprudence classique, aux compétences particulières détenues par la personne, notamment par profession, qui lui permettent d'apprécier le risque lié à l'acte qui l'engage.


Les actes de cautionnement postérieurs au 1er janvier 2022


L'ordonnance du 15 septembre 2021 a redéfini la protection légale de la caution en allégeant le formalisme de l'acte, source d'un important contentieux, en réduisant les conséquences pour le créancier d'une disproportion de l'engagement de la caution au temps de l'acte, et en consacrant par la loi le devoir de mise en garde à la charge du créancier.


Les textes applicables, désormais rassemblés dans le code civil, sont les suivants :


Article 2294 code civil : « Le cautionnement doit être exprès. Il ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ».


L'article 2297 du code civil définit le formalisme à respecter, que le créancier soit ou non un professionnel et que le garant soit ou non averti : « A peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu'elle s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres.


« Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaît dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu'il poursuive d'abord le débiteur ou qu'il divise ses poursuites entre les cautions.


A défaut, elle conserve le droit de se prévaloir de ces bénéfices.

« La personne physique qui donne mandat à autrui de se porter caution doit respecter les dispositions du présent article ».


La loi n'impose donc plus que le garant appose sur l'acte une mention manuscrite déterminée et observée littéralement. Cependant, ce garant doit avec ses propres termes, apposer une mention qui établisse sa pleine conscience de la nature et de la portée de son engagement. A défaut de la mention évoquée au premier alinéa, le cautionnement est nul. Toutefois, cette nullité est relative, c'est à dire que la caution personne physique peut y renoncer de manière expresse, ou bien de manière tacite en exécutant volontairement l'obligation, conformément aux prévisions de l'article 1182 du code civil.


Il n'est pas certain que ce rejet des formules sacramentelles soit de nature à réduire les sources de contentieux. Dans le dispositif antérieur, les données étaient relativement simples : ou le garant avait reproduit fidèlement le texte du code de la consommation ou il ne l'avait pas fait et dans ce cas, l'acte était frappé de nullité. La marge d'appréciation laissée au juge était à cet égard réduite. Désormais, ce juge devra dire si les mots employés par le garant traduisent sans équivoque la pleine conscience des implications de son engagement. Que faudra-t-il déduire de ce que le garant recopie servilement un texte imposé par le créancier ? Ou que faudra-t-il conclure de mentions sommaires ou péremptoire ? Le juge appréciera souverainement le caractère suffisant de la mention. Le Rapport sur le projet d'ordonnance au président de la République relève incidemment que la reprise de la mention qui figurait jusque-là dans le code de la consommation serait indiscutablement de nature à satisfaire aux exigences du nouvel article 2297 du code civil. La portée du changement serait donc minime.


On observera d'ailleurs que la nouvelle rédaction, par l'ordonnance du 15 septembre 2021, de l'article 1175 du code civil, autorise depuis le 1er janvier 2022 la souscription par voie électronique d'un contrat de cautionnement. Les prescriptions des articles 1366 et 1367 du code civil relatives à l'écrit électronique doivent évidemment être observées.


Quant au devoir de mise en garde de la caution, le nouvel article 2299 du code civil le consacre et le codifie en ces termes : « Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.


« A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci ».

Il en découle, lorsque d'une part l'engagement du garant, personne physique désormais avertie ou non, est inadapté à ses capacités financières, et d'autre part lorsque ce garant n'aura pas été mis en garde par le créancier professionnel, que le terrain de la responsabilité civile ouvert par la jurisprudence classique et permettant au débiteur de se voir indemnisé de la perte de chance de ne pas contracter, est abandonné. On peut présumer que la notion d'inadaptation de l'engagement se réfère à celle de disproportion évoquée au nouvel article 2300 du code civil.


La sanction désormais, lorsque cette double circonstance est établie (engagement inadapté et absence de mise en garde), réside dans la déchéance du droit du créancier contre le garant à hauteur du préjudice subi par ce dernier. Cette déchéance sera donc le plus souvent partielle. La nature de la sanction se trouve modifiée, mais il n'est pas certain qu'elle soit renforcée, ni d'ailleurs réduite.


En effet, l'indemnisation d'une perte de chance ne peut jamais, selon les règles jurisprudentielles anciennes et classiques, être égale à l'avantage que l'événement manqué aura procuré. Elle ne peut en représenter qu'un certain pourcentage que le juge fixe souverainement.


Pour les engagements postérieurs au 1er janvier 2022, le juge devra déterminer le montant de l'engagement auquel le garant pouvait consentir de manière adaptée à son patrimoine et ses ressources, faire jouer l'engagement sur cette part et au-delà déclarer la déchéance du créancier. Concrètement, ces deux approches différentes conduiront sans doute à des résultats très proches.


L'exigence d'une proportionnalité de l'engagement du garant personne physique à l'égard d'un créancier professionnel, est désormais énoncée à l'article 2300 du code civil : « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date ».


Au regard des dispositions anciennes, deux changements sont manifestes. En premier lieu, la sanction d'une disproportion manifeste de l'engagement n'est plus la décharge totale de la caution mais celle, moins radicale et mieux nuancée comme le fait valoir le rapport au président de la République, de la réduction du cautionnement au montant à hauteur duquel la caution pouvait s'engager compte tenu de son patrimoine et de ses revenus.


En second lieu, l'exception prévue jusque-là par le code de la consommation dans le cas d'un retour à meilleure fortune de la caution, dès lors tenue de remplir son engagement même s'il était manifestement disproportionné à la date de sa souscription, n'est pas reprise par le nouveau texte du code civil. On voit que le législateur a recherché de meilleurs équilibres entre les intérêts des créanciers et ceux des cautions. Seules les futures jurisprudences permettront de les vérifier.


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