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Le départ du locataire à la cloche de bois



Le départ brusque et imprévisible du locataire, sans congé ni remise des clés, laisse le bailleur dans l'embarras. Pour le mettre en mesure de reprendre possession des lieux sans subir les délais d'une action classique en expulsion, la loi du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, a créé un article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989 organisant une procédure spécifique en cas d'abandon d'un logement loué.


Ce texte est complété par les dispositions du décret n° 2011-945 du 10 août 2011 relatif aux procédures de résiliation des baux d'habitation et de reprise des lieux en cas d'abandon.


Si le bailleur dispose de présomptions sérieuses que le logement loué a été abandonné et si aucun ayant-droit du locataire n'est en mesure de réclamer la poursuite du bail à son bénéfice, il doit en premier lieu établir à l'intention du juge la situation d'abandon du logement. C'est la mission de l'huissier de justice à qui il revient de mettre en demeure le locataire de justifier dans le délai d'un mois qu'il occupe toujours le logement.


Lorsque des loyers ne sont pas payés, ce qui est la règle dans ce genre de situation, la mise en demeure est accompagnée d'un commandement de payer au visa de la clause résolutoire du bail.


Si le locataire ne se manifeste pas dans le délai d'un mois, l'huissier procède à la constatation de l'état d'abandon du logement. Conformément aux dispositions de l'article L142-1 du code des procédures civiles d'exécution, auquel renvoie l'article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989, l'huissier ne peut instrumenter qu'en présence de témoins, le maire de la commune ou son représentant, une autorité de police ou de gendarmerie, ou, à défaut, deux témoins majeurs qui n'ont de lien ni avec le bailleur ni avec l'huissier. Si des biens ont été laissés sur place, l'huissier en dresse l'inventaire.


Le juge des contentieux de la protection (JCP) est alors saisi par requête aux fins de reprise des locaux abandonnés et, usuellement en paiement des sommes dues au titre du contrat de bail. Il constate par ordonnance la résiliation du bail, ordonne la reprise du logement et se prononce sur les demandes de paiement. Le cas échéant, il statue sur le sort des biens inventoriés. Les biens qui peuvent l'être sont vendus aux enchères et le produit de cette vente est consigné au bénéfice du locataire.

L'un des très rares arrêts de cour d'appel rendus en cette matière (cour d'appel de Lyon, 24 avril 2012, n° 11/00760) donne une idée de ce que sont les indices que les juges estiment opérants pour caractériser l'abandon : les lieux inhabités, l'électricité coupée, le réfrigérateur vide et, en l'espèce, l'attestation de l'incarcération de la locataire.


Si le JCP rejette la requête, sa décision est sans recours et le bailleur doit alors procéder selon les voies du droit commun.


L'ordonnance est à l'initiative du bailleur signifiée au locataire dans le délai de deux mois. Celui-ci, ou toute personne pouvant prétendre avoir droit au contrat de bail, peut former opposition dans le délai d'un mois. Le JCP se prononce alors par jugement sur le sort du bail et les demandes incidentes. Il peut, s'il relève que le bailleur a agi de manière abusive, le condamner au paiement d'une amende civile (article 32-1 du code de procédure civile).


Dès lors que l'ordonnance, ou le jugement rendu sur opposition, passés en force de chose jugée, ont autorisé la reprise des locaux abandonnés, l'huissier procède aux opérations conformément aux dispositions réglementaires codifiées aux articles R451-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution. Il en dresse procès-verbal. S'il apparaît alors que les locaux ont été réoccupés soit par le locataire, soit par tout autre personne de son chef, l'huissier doit procéder comme pour une expulsion selon le droit commun.


Cette procédure de reprise d'un logement loué puis abandonné est ainsi très simplifiée au regard de l'expulsion de droit commun. Pour autant, ses étapes successives, précisément définies, doivent être soigneusement observées.


En effet, sont en jeu non seulement les droits et intérêts du propriétaire, mais aussi la protection du domicile dont on ne peut a priori exclure qu'il n'ait été délaissé que momentanément ou qu'un apparent abandon ait une cause légitime. Faute de respecter les règles procédurales, le bailleur serait renvoyé à la procédure de droit commun. En outre, il doit être rappelé que, selon la Cour de cassation, la seule constatation d'une reprise illicite d'un logement ouvre droit à réparation au bénéfice du locataire (Civ, 3ème, 6 juillet 2017, n° 16-15752).


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