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La garantie des vices cachés en matière de bail



L'article 1721 du code civil dispose que « il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser ».


Ce texte a survécu sans modification de 1804 à nos jours. Il s'applique à tous les types de baux. C'est évidemment une déclinaison de l'obligation de délivrance d'un local conforme à sa destination contractuelle, qui pèse sur le bailleur en application de l'article 1719 du code civil et de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 pour le bail d'habitation.


Le vice dont il est question est donc un défaut de la chose louée ou de ses équipements qui cause au locataire un véritable trouble de jouissance en rendant le local loué impropre à sa destination contractuelle (Civ, 3ème, 25 mai 2011, n° 08-71838).


Il n'existe aucune disposition spéciale sur le délai de prescription de l'action fondée sur l'article 1721. Le délai applicable est donc la prescription quinquennale de droit commun et son point de départ le jour de la découverte des vices de la chose louée.

1. Ce texte n'est pas d'ordre public et le contrat de bail peut toujours en écarter l'application et stipuler que le bailleur ne devra pas sa garantie pour les vices de la chose louée, même cachés.


La clause, pour être exonératoire, doit établir expressément et sans équivoque que le preneur renonce à se prévaloir de la garantie des vices cachés (Civ, 3ème, 7 juillet 2009, n° 08-70086). La clause habituelle selon laquelle le preneur prend les lieux en l'état où il se trouve et ne peut exiger d'autres travaux que ceux de l'article 606 du code civil, n'exonère pas le bailleur de la garantie des vices cachés (Civ, 3ème, 29 mars 1995, n° 93-10408).


En revanche a été considérée comme opérante la clause exonératoire suivante, énoncée, selon la Cour de cassation, « en termes clairs et précis » : « … le preneur déclarait prendre les lieux loués dans l'état où ils se trouveraient au moment de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger aucune réfection, remise en état, adjonction d'équipements supplémentaires ou travaux quelconques rendus nécessaires par l'état de vétusté ou par l'existence de vices cachés » (Civ, 3ème, 31 octobre 2006, n° 05-14123).


Si le bail comporte une clause exonératoire de la garantie des vices cachés, le bailleur ne sera tenu que de son dol ou de sa faute lourde (Civ, 3ème, 11 juillet 1972, n° 71-11196 P).


2. Alors que l'obligation de délivrance est maintenant une obligation d'ordre public à laquelle il n'est pas possible de déroger contractuellement (Civ, 3ème, 6 juillet 2008, n° 07-14631 P ; Civ, 3ème, 31 octobre 2012, n° 11-12970), mais comme pour la garantie des vices cachés en matière de vente, le preneur ne peut invoquer contre le bailleur les vices de la chose louée s'ils étaient apparents lors de l'entrée dans les lieux.


Les juges apprécient souverainement la caractère apparent ou non des vices invoqués (Civ, 3ème, 2 mars 1993 ; n° 91-14834) et procèdent comme en matière de vente.


Le vice caché doit être de nature à empêcher l'usage par le preneur de la chose louée ou à faire obstacle à sa jouissance paisible. Tel n'est pas le cas de la hauteur anormale du bac à douche à l'origine d'un accident domestique (Civ, 3ème, 8 avril 2010, n° 08-21410 P.).


Le dommage invoqué par le locataire doit résulter d'un vice affectant le local loué lui-même et non d'un accessoire ou d'un meuble (Civ, 3ème, 17 octobre 2012, n° 11-16317).


Le bailleur peut invoquer le cas fortuit ou la force majeure mais non le défaut d'entretien à l'origine du vice caché (Civ, 3ème, 5 avril 2011, n° 10-15475).

Par exemple, la responsabilité du bailleur a été retenue au titre de la garantie des vices cachés dans le cas d'une installation électrique défectueuse ayant provoqué une électrocution (Civ, 3èe, 7 janvier 2009, n° 07-11516), dans celui de la découverte d'amiante dans les locaux loués (Civ, 3ème, 2 juillet 2003, n° 02-14642), ou à l'occasion de l'écroulement d'une dalle de béton dont la faiblesse était masquée par un revêtement (Civ, 3ème, 13 octobre 1981, n° 80-11277 P.).


3. Il n'est pas toujours simple de distinguer le vice caché du manquement à l'obligation de délivrance. La question est classique et a suscité de nombreux commentaires essentiellement dans le domaine de la vente.


Le vice caché affecte l'usage de la chose louée et caractérise un trouble de jouissance tandis qu'il résulte d'un manquement à l'obligation de délivrance l'impossibilité de faire usage de la chose conformément à sa destination contractuelle. L'usage normal de la chose se distingue de l'usage convenu. Si le premier est en cause, il s'agit d'un vice caché. Si c'est le second, il s'agit d'un défaut de délivrance. Un vice de la chose peut n'être pas un défaut de conformité contractuelle. Un défaut de conformité peut ne pas empêcher l'usage normal de la chose.


Dans un arrêt du 28 janvier 2015 (n° 13-19945 P) la Cour de cassation a clairement marqué l'autonomie des deux régimes de responsabilité.


Dans cette affaire, les demandeurs au pourvoi soutenaient que la non conformité de la chose vendue qui rend la chose impropre à l'usage auquel elle est destinée est soumise au régime de la garantie des vices cachés et que l'arrêt de la cour d'appel, qui avait retenu le défaut de conformité sans vérifier que les conditions de la garantie des vices cachés étaient remplies, devait être annulé.


La Cour de cassation réfute cette thèse : « … ayant relevé que l'immeuble avait été vendu comme étant raccordé au réseau public d'assainissement et constaté que le raccordement n'était pas conforme aux stipulations contractuelles, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche (sur les vices cachés) que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que les vendeurs avaient manqué à leur obligation de délivrance ». Autrement dit, dès lors que le défaut dénoncé de la chose caractérisait un manquement contractuel, il n'y avait pas lieu de rechercher si ce défaut caractérisait un vice caché, c'est à dire s'il interdisait l'usage normal de cette chose.


Cette distinction des deux régimes de responsabilité revêt de l'importance dans le cadre d'un procès si l'on se réfère à l'arrêt rendu le 21 décembre 2007 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation dans un affaire de vente de véhicule (n° 06-11343 P).


Selon cet arrêt, le juge s'il écarte le vice caché allégué par le demandeur, n'est pas tenu de rechercher d'office un manquement à l'obligation de délivrance dont il n'a pas été saisi : « Mais attendu que si, parmi les principes directeurs du procès, l’article 12 du nouveau code de procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes ; qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu’elle était saisie d’une demande fondée sur l’existence d’un vice caché dont la preuve n’était pas rapportée, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrance d’un véhicule conforme aux stipulations contractuelles, a légalement justifié sa décision de ce chef ».


En conséquence, si le locataire doit engager une action judiciaire et si les circonstances de fait le permettent, il lui est recommandé d'invoquer les deux fondements de droit, défaut de délivrance et vices cachés, l'un à défaut de l'autre.


4. Lorsque le vice se révèle, le locataire doit en aviser le bailleur pour le mettre en mesure d'y remédier, au besoin en le mettant de demeure par LRAR ou acte d'huissier. Un différend sera tranché selon les voies de droit.


Il arrive que le locataire réalise les travaux d'initiative et sans attendre, puis demande ensuite au bailleur de les financer. La question se pose alors de savoir si le bailleur peut être jugé responsable des vices cachés sans avoir été mis en demeure de procéder aux travaux nécessaires.


Aux termes de l'article 1231 du code civil (ancien article 1146), « à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable ».


Il s'en déduit, selon une jurisprudence constante, que si le preneur réalise les travaux dans le logement loués sans avoir mis en demeure le bailleur à qui ces travaux incombent, et sans y avoir été autorisé ou par le bailleur ou judiciairement, alors que ces travaux ne sont pas justifiés par l'urgence, le bailleur n'est pas tenu de les financer (Civ, 3ème, 29 juin 2010, n° 09-16025).


Un arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2011 (n° 10-15937) donne un exemple d'urgence reconnue par la cour d'appel : « … qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la dégradation des sols du local de stockage avait provoqué des nuisances pour la conduite des engins de manutention, et généré des poussières qui n'étaient pas compatibles avec le stockage de composants électroniques et constituaient une gêne pour les salariés travaillant sur le site, la cour d'appel a pu, compte tenu de l'urgence qui s'attachait à la réalisation des travaux litigieux, condamner la bailleresse à rembourser le coût des travaux de réfection ».


Cependant le locataire, justifié par l'urgence, doit avoir réalisé les travaux au meilleur coût, faute de quoi il ne sera que partiellement remboursé (Civ, 3ème, 12 juin 2001, n° 99-21127).


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