Une société ne pouvant jouir de la personnalité morale qu’à compter de son immatriculation au Registre du commerce, le principe est que les personnes qui, avant cette immatriculation, ont accompli des actes en son nom, tel un bail commercial, restent tenus de leurs engagements, le cas échéant avec solidarité, à moins que la société, une fois constituée, ne reprenne à son compte ces engagements qui sont alors réputés avoir été souscrits par elle dès l’origine. Ces principes sont posés tant dans le code civil que dans le code de commerce.
Article 1843 du code civil : « les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci ».
Article L210-6 du code de commerce : « Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d'une société n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation. / Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ».
La reprise par une société constituée des engagements souscrits en son nom alors qu’elle était en formation ne peut être implicite et ne résulte, selon les termes de l'article 6 du décret du 3 juillet 1978, que de la signature des statuts lorsque l'état de ces engagements aura été préalablement annexé à ces statuts, ou d'un mandat donné avant l'immatriculation de la société et déterminant dans leur nature ainsi que dans leurs modalités les engagements à prendre, ou enfin, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majorité des associés.
L’article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 est ainsi libellé : « L'état des actes accomplis pour le compte de la société en formation avec l'indication, pour chacun d'eux, de l'engagement qui en résulterait pour la société est présenté aux associés avant la signature des statuts. / Cet état est annexé aux statuts, dont la signature emportera reprise des engagements par la société, lorsque celle-ci aura été immatriculée. / En outre, les associés peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, donner mandat à l'un ou plusieurs d'entre eux, ou au gérant non associé qui a été désigné, de prendre des engagements pour le compte de la société. Sous réserve qu'ils soient déterminés et que les modalités en soient précisées par le mandat, l'immatriculation de la société emportera reprise de ces engagements par ladite société. / La reprise des engagements souscrits pour le compte de la société en formation ne peut résulter, après l'immatriculation de la société, que d'une décision prise, sauf clause contraire des statuts, à la majorité des associés ».
Pour assurer l'application de ces dispositions réglementaires, la Cour de cassation a entendu faire prévaloir un formalisme rigoureux, visant à protéger tant la société et ses associés contre les fondateurs, que les tiers ayant contracté avec les fondateurs : Civ, 1ère, 26 avril 2000, n° 98-10917 ; Civ, 1ère, 2 octobre 2002, n° 00-10499 ; Com, 31 mai 2005, n° 01-00720 ; Com, 6 décembre 2005, n° 03-16853 ; Com, 23 mai 2006, n° 03-15486 ; Com, 13 décembre 2011, n° 11-10699.
Com, 23 mai 2003, n° 03-15486 : « ... la reprise d'engagements pris au nom d'une société en formation ne peut résulter que, soit de la signature par les associés des statuts auxquels sont annexés un état des actes accomplis pour le compte de la société, soit, d'un mandat donné par les associés avant l'immatriculation de la société à l'un ou plusieurs des associés, ou au gérant non associé, et déterminant dans leur nature, ainsi que dans leurs modalités, les engagements à prendre, soit, encore, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majorité des associés (…) la reprise d'un acte de cession conclu au nom d'une société en formation ne saurait résulter de ce que tous les associés ont concouru à la signature de cet acte ou de l'immatriculation de la société et de l'exécution de l'acte ».
Ainsi, le seul paiement par la société constituée de loyers n’établit pas la reprise du bail conclu en son nom alors qu’elle était en formation (Com, 24 mars 1998, n° 9611366).
Toutefois, certaines décisions paraissent s’écarter d’un formalisme étroit et accepter, dans certaines circonstances, la reprise des engagements par la société, pourvu que cette reprise soit explicite. Ainsi, il a pu être jugé que l’annexion formelle aux statuts d’un états des engagements repris n’était pas requis dès lors qu’il apparaissait de la lecture de ces statuts que les associés avaient explicitement entendu reprendre l’engagement (Com, 29 janvier 1988, n° 07-14788 : « Mais attendu qu'ayant relevé qu'à la lecture des statuts, la société Anoki avait repris les engagements souscrits pour son compte avant son immatriculation, la cour d'appel, abstraction faite du motif critiqué par le moyen, a pu estimer que le défaut de mise à disposition des locaux sur lesquels portait la promesse était constitutif d'un trouble manifestement illicite ».
Lorsque les formalités de reprise ont été accomplies, la substitution de parties est opposable à l’autre contractant, sans qu’une mesure de publication soit nécessaire. L’acte portant reprise est déclaratif (Civ, 3ème, 20 octobre 2016, n° 14-28904). En conséquence, les engagements souscrits par les fondateurs sont réputés avoir été dès l'origine contractés par la société (Civ, 3ème, 9 juillet 2003, n° 01-10863). La reprise par la société des engagements pris pour son compte décharge les associés de ceux qu'ils ont contractés à cette occasion (Com, 13 décembre 2005, n° 04-12528).
Pour une application de ces principes : Civ, 2ème, 2 février 2005, n° 03-18575 : « ayant relevé que la société preneuse était immatriculée au registre du commerce à une date antérieure au refus de renouvellement du bail et qu'une assemblée générale des associés avait ratifié formellement la reprise par la société des engagements souscrits pour son compte relativement à l'acquisition du fonds de commerce litigieux, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la cession du fonds de commerce devait être réputée conclue dès l'origine par la société et que celle-ci devait bénéficier du bail dès la date de la cession... »).
Enfin, la reprise par la société des engagements contractés par ses fondateurs, n'a pas pour conséquence de créer une solidarité entre les personnes qui ont engagé la société en formation et la personne morale régulièrement constituée et immatriculée (Com, 22 mai 1991, n° 90-12217).
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